"Le marchand de ballons": une métaphore thérapeutique pour les grands et les petits 
Il était une fois un marchand de ballons très particulier. Il vendait ses ballons sur la place du village depuis si longtemps que les villageois en avait oublié son âge. Il avait des ballons de toutes les couleurs, de toutes les tailles, pour toutes les occasions.
Dans ce village, on n’offrait pas de fleurs mais un ballon, on le personnalisait pour chacun, on le dédicaçait.
Les ballons, dans ce village particulier, n’étaient plus seulement une affaire d’enfants !
Les anniversaires, les naissances mais aussi les enterrements comme les séparations étaient accompagnées d’un ballon.
Le marchand de ballons était devenu le gardien du village. Il savait tout, connaissait tout le monde. On pourrait dire qu’il était le centre de communication du village et que ses ballons reliaient tous les villageois et leurs histoires de vie. On voyait des ballons dans toutes les maisons, parfois accrochés aux toits ou aux arbres des jardins. Et plus le temps passait, plus ils s’accumulaient car ils étaient très solides. Les ballons se transmettaient de père en fils, chaque nouvelle rencontre, chaque nouvelle amitié s’accompagnant d’un ballon.
Où était le problème, me direz-vous ? C’est beau des ballons, c’est joyeux, c’est léger, c’est coloré et ce village devait être le plus beau des villages ! Vous avez raison, c’était incroyablement beau ce tissage de ballons que l’on voyait de loin et qui reliait les villageois et leurs maisons.
MAIS …oui, je dois avouer qu’il y eût un mais …
Plus personne ne pouvait se passer des ballons, on voyait de nombreuses personnes se cogner dans les ballons, certains ballons cachaient les feux rouges et il y eut des accidents, ce qui était l’occasion d’offrir un nouveau ballon aux blessés pour les apaiser. Certains portaient des ballons autour de leur poignet ou accrochés dans le dos parce que ces ballons là étaient très importants pour eux.
Vous commencez à comprendre ? Oui, ces ballons devenaient encombrants voire même parfois dangereux.
Le marchand de ballons était devenu très riche mais il se demandait de plus en plus souvent : « Ai-je eu raison de vendre tous ces ballons ? ». Pourquoi cet enchevêtrement de ballons qui se mélangeaient les uns aux autres ? Il y avaient aussi ces violentes disputes auxquelles il avait assisté car il était parfois difficile de retrouver son ballon personnel.
Quel méli-mélo ! Rien n’allait plus et les villageois perdaient leur joie de vivre qui avait fait la réputation de ce village et qui amenait tant de visiteurs. D’ailleurs, pour tout vous dire, il n’y avait plus de place pour des visiteurs.
Devant ce constat, le marchand de ballons, qui était au fond un brave homme, convoqua tous les villageois sur la place du village. Cela pris un peu de temps car, comme je vous l’ai dit, la circulation était devenue difficile, mais c’était important que tout le monde soit là.
Il prit un micro et commença un discours plein de vérité et d’amour.
« La vie est devenue difficile pour beaucoup d’entre vous. Je suis heureux de vous avoir vendu tous ces ballons mais aujourd’hui, j’ai beaucoup réfléchi et l’accumulation de tous ces ballons est devenue nocive pour chacun. Voyez ce grand sac à mes côtés, il est rempli de ciseaux. Il y en a un pour chacun, je vous les offre. Vous pourrez couper chaque fil, de chaque ballon et les laisser s’envoler vers le ciel. Vous verrez ce sera un beau spectacle et vous sentirez une nouvelle légèreté en vous, on pourra même parler de libération collective. Faites moi confiance et lâchez vos ballons … La vie reprendra son cours. »
Il y eut un grand silence à la fin de ce discours, personne ne voulait lâcher son ballon et en même temps …
Trois enfants curieux s’approchèrent et prirent un ciseau dans le sac, l’un choisit un bleu, l’autre un rouge et le troisième un jaune. Etait-ce un nouveau jeu ? Une permission inattendue ? Ils commencèrent à couper les premiers fils de ballons et les virent monter dans le ciel … c’était beau !
Les villageois levèrent leurs yeux malgré eux et regardèrent ces ballons s’échapper au gré du vent. C’est vrai, c’était beau !
Il y a parfois des moments de vie magiques, celui-ci en fut un. Dans un silence et une attention extraordinaire, un mouvement se fit dans la foule. Chacun se dirigeait vers le grand sac. Il y avait un ciseau pour chacun, ils le savaient et ne se précipitaient pas. Chacun sentait que c’était un moment important à la fois individuel et collectif, impossible de le parler mais chacun le vivait.
Et bientôt le ciel fut rempli de ballons de toutes les couleurs, c’était magnifique. Il y eut des rires, des pleurs mais la vie était là et chacun vivait cet instant de vie pleinement.
Le marchand de ballons retrouvait lui aussi son sourire, il avait compris qu’un ballon s’offre et se lâche, un ballon accompagne l’instant vécu mais ne le retient pas.
Evelyne DEVILLIERS (Octobre 2016)